Bonjour à toutes et à tous,
Je suis heureuse de vous accueillir pour ce colloque « Si tu m’aides, ne m’aimes pas ? », qui est une première pour Enssycofa.
Une première, dans le sens où nous avons l’honneur d’avoir la présence des formateurs d’Enssycofa pour cet évènement.
Messieurs Jérôme De Bucquois, Gauselm Depasse, Luc Fouarge, et Wilfrid Magnier.
Madame Julie Bodelot, qui malheureusement est retenue ailleurs, toutefois, toutes ses pensées sont avec nous pour cette belle journée.
Une équipe, des formateurs avec de grandes compétences, des savoir–être, et des savoir-faire qui sont fort appréciés par moi-même et aussi par les stagiaires, des différentes formations.
Avec beaucoup d’enthousiasme et de désir, nous souhaitons proposer des formations de qualité, des colloques créatifs, qui permettent la réflexion, et les échanges, sur des sujets qui nous animent tous.
Je souhaite également remercier mes amis qui se reconnaîtrons, j’en suis sûre, pour leur soutien, leur implication et leur patience incontestable à mon égard.
Un grand merci à vous dans le public, de l’intérêt que vous portez à L’Institut Enssycofa, et je vous assure que toute l’équipe et les orateurs s’investissent fortement, pour que cette journée soit la plus intéressante, afin d’être une réussite.
L’enjeu était risqué d’organiser ce colloque un mercredi, le jour des enfants.
Mais vous êtes là, et nous vous remercions pour votre présence.
Alors parlons d’amour maintenant…
Le sujet est né au dernier colloque du mois de mars : « Penser autrement le placement » …
Un colloque où des personnes accompagnées par des travailleurs sociaux, sont venues témoignées de la pertinence de faire autrement, différemment entre les aidants et les aidés …
De penser à partir de soi, de l’être humain avant de se vêtir du costume de l’être professionnel…
Une posture de l’écoute de soi-même, pour avoir la possibilité d’accompagner et de recevoir avec son cœur, ses émotions et ses résonances.
Comment offrir cette façon d’être, en étant dans la juste proximité, entre les personnes accompagnées et les professionnels, dans la relation d’aide en travail médico-social ?
Un vaste sujet, qui encore aujourd’hui, reste épineux dans le quotidien des professionnels, mais aussi lors de la formation : « On se souvient toutes et tous de cette phrase : « il faut garder ses distances avec les usagers !!! ». Cela peut nous paraître ancien et dépassé, et Pourtant …
Distance et usager, deux mots qui ne reflètent en aucun cas mon activité professionnelle…
Présence et personnes que j’accompagne, la sémantique des mots me parait plus juste, plus respectueuse.
La dimension d’aimer l’autre pour l’entendre, pour le comprendre, pour le guider, serait-elle pas un préalable, une nécessité ou bien au contraire une idée impensable, innommable, décalée ?
Je sais, comment je suis, je sais ce que je peux faire, et surtout ce que je ne sais pas faire…
Mais ne suis-je pas en danger ?
Qu’en est-il de ce que nous engageons de soi de l’autre côté de la relation ?
Il était une fois, un petit enfant qui vit, une vie malmenée, brutalisée tout en recevant le l’amour de ses parents. Une existence tourmentée et tellement fidèle aux valeurs de la famille.
Ce jeune enfant devenu grand, devenu adulte, est un être impulsif, violent en quête d’affection de l’autre, et comment rencontrer cet autre, qui accepterait cette façon d’être, cette façon de vivre rythmée de violences …
Une personne à la recherche d’attention, d’amour, qui celle-ci a vécu la même situation de violences familiales, cherche un sauveur pour la sortir de cette existence empreinte de souffrance.
Et ils se sont rencontrés, aimés … Leur histoire est amoureuse, aimante, ces deux êtres sont à la recherche de l’amour et d’une vie meilleure …
De cet amour est né cinq beaux enfants, qui sont adorés de leurs parents.
Les histoires de vie du couple marquées de traumatismes qui rendent très vite leur nouvelle vie, sous le signe de la violence.
La séparation de la famille, par l’intermédiaire de l’incarcération de Monsieur, des placements des enfants, et d’une femme, d’une maman à la recherche d’espoir, pour retrouver sa famille.
Une famille sous le sceau du secret familial, où les travailleurs sociaux peinent à entrer en relation avec cette famille. Des travailleurs sociaux qui n’ont aucune place dans les différents accompagnements proposés. Des travailleurs sociaux, qui ont peur de cette violence familiale, qui créent des situations inacceptables.
Et arriva cet accompagnement de la dernière chance…
Un accompagnement qui se devait être différent pour penser à un changement de comportement, de posture des membres de cette famille.
L’authenticité, l’humilité, l’apprivoisement, la reconnaissance, et tant d’autres mots ont rythmé l’accompagnement de la famille avec sa temporalité.
Une expérience périlleuse, pour les professionnels et aussi pour la famille, qui n’ont aucune confiance aux travailleurs sociaux.
Ces éducatrices, référentes de la situation familiale s’aventurent à considérer cette violence comme des rituels de vie, les constructions du monde de ces êtres.
Tenter de composer avec l’existant, que de le nier et/ou de le juger. Proposer cet accompagnement en tentant de comprendre le comment de cette situation familiale, qui amènera vers le, comment faire autrement en mettant des mots sur l’histoire de chacun et de la famille.
Cette posture a pris beaucoup de temps, et d’investissement de tous. La rencontre s’est faite, le lien s’est timidement installé, la pertinence de la relation est devenue une évidence pour les parents et les enfants.
L’attachement aux uns et aux autres s’est réalisé, avec beaucoup de pudeur. Des sentiments aux uns et aux autres se sont verbalisés… L’accompagnement a pris un tournant tant pour la famille et pour les professionnelles.
Laisser ouvert le champ des possibles dans la relation, s’autoriser à être soi-même pour avoir un autre regard de la situation.
Voilà ce qui s’est passé dans cette relation, où chacun s’est mis au travail à partir de l’ici et maintenant.
Un accompagnement qui a pris fin trois années après le démarrage de celui-ci.
Une famille plus sereine, qui a cheminé sur son histoire pour appréhender la vie de façon différente.
Mais la violence prendra le dessus.
Cet enfant, cet homme, ce mari, devenu père sera « regagné » par le besoin d’être fidèle à son blason familial, celui que : « pour s’en sortir dans la vie, il ne faut pas se laisser faire, on ne se laisse pas emmerder par les autres… ».
Monsieur sera victime d’une dispute conflictuelle avec les voisins, une bagarre qui se termine très mal, teintée de violence.
Hospitalisé, le pronostic vital de Monsieur est engagé.
Madame préviendra notre service dès le lendemain, de la situation dramatique.
Le drame familial …
Nous vivons ensemble cette terrible douleur. Nous, les professionnels nous devons faire face à la souffrance de la famille et aussi de la nôtre …
Nous proposons notre présence, notre soutien et notre aide auprès de madame et des enfants.
Pour cela, nous accompagnons Madame au quotidien, à l’hôpital, dans les démarches …
Très affectée, la situation est difficilement acceptable et douloureuse me concernant …
Dans cet accompagnement singulier, au sein de l’intimité de la famille, mon collègue qui est mon chef de service, avec beaucoup de bienveillance, me soutient et s’efforcera à me faire comprendre que je suis trop engagée émotionnellement : « Ce n’est pas ta famille, fais attention à toi … ».
Je dédie cette journée à Monsieur, Madame F et les enfants.